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LA VIE DE FAMILLE

le pays où il était établi, vanter le bonheur des nègres esclaves, ce qui ne le releva pas à mes jeux. Un semblable discours annonce un manque de jugement ou de loyauté. Une jeune personne qui avait partagé ma cabine, silencieuse et malade pendant toute la traversée, leva maintenant la tête et me demanda sur-le-champ : « Comment trouvez-vous l’Amérique. »

Madame Howland avait envoyé son frère, homme d’âge moyen et fort bien, avec une voiture pour me conduire chez elle ; mais je préférai dans ce moment ma liberté, et accompagner les « amis » à l’hôtel en faveur duquel ils s’étaient décidés. J’y suis dans une petite chambre avec quatre murailles blanches et nues. J’ai fait une promenade de deux bonnes heures dans la ville, en jouissant de ma solitude, des nombreux objets nouveaux qui frappaient mes regards de tous côtés, de l’aspect de la ville avec ses jardins (elle ressemble à une réunion de maisons de campagne avec varand ou terrasses ornés d’arbres et de fleurs), du grand nombre d’arbres, nouveaux pour moi, qui fleurissent et déploient leur feuillage dans ce moment, des bosquets d’orangers vert foncé qu’on voit dans les jardins, et qui, agités par le vent, embaument l’air. Les nègres fourmillent dans les rues ; les deux tiers des gens que l’on rencontre sont noirs ou mulâtres, laids, mais la plupart ont un air joyeux et paraissent bien nourris. On voit surtout des négresses et des mulâtresses qui sont grasses. Les jolis mouchoirs bigarrés noués autour de leur tête et quelquefois avec beaucoup de goût, leur donnent un extérieur pittoresque mille fois plus avantageux que les bonnets et les chapeaux qu’elles portent dans les États libres, et leur vont si mal.

Après les nègres, ce qui me frappe le plus dans les rues,