uniformes et calmes comme une journée de la vie septentrionale ordinaire. Nous laissons derrière nous, sur les flots, une large et droite route qui se prolonge jusqu’à l’horizon.
J’ai été tourmentée aujourd’hui par la conduite de quelques passagers à l’égard d’un petit oiseau emporté par le vent, et qui cherchait à se reposer sur notre navire. Épuisé, il s’abattait çà et là dans les cordages, et en était constamment chassé, surtout par deux jeunes gens, un Anglais et un Espagnol, qui paraissaient n’avoir d’autre but, avec leurs chapeaux et leurs mouchoirs, que d’agacer ce petit animal, au point de le tuer. Cela faisait mal de le voir renouveler sans cesse ses efforts pour atteindre le navire, s’abattre haletant dans les cordages ou les vergues, et en être chassé de nouveau. Je poursuivis ces messieurs de mes prières, afin qu’ils laissassent le pauvre animal en paix : ce fut sans succès. Je ne saurais exprimer ma surprise en voyant que pas un des passagers ne prît le petit étranger sous sa protection. Je me rappelai avoir vu traiter autrement sur les navires suédois les oiseaux qui y étaient poussés par le vent. Voici comment cette chasse finit : L’oiseau laissa sa queue dans la main de l’un de ses persécuteurs, après quoi il ne fut pas difficile de le retenir prisonnier. Placé dans une sinistre cage, il y mourut peu d’heures après. Je me crois exempte d’une sensibilité exagérée, mais rien ne m’aigrit davantage contre l’homme que la cruauté envers les animaux, et je sais qu’une nature généreuse en a horreur. Du reste, je plaignis ces cruels enfants à face humaine ; car je crois à une Némésis même pour les petites choses, et qu’un moment viendra où ces jeunes gens auront soif du repos, et, ne le trouvant pas, cet oiseau pourchassé se présentera à leur souvenir.