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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

dans ma mémoire quelques descriptions magnifiques, des expressions et des mots isolés profonds ; il m’en reste une preuve de plus de la faiblesse de notre nature. Je lis aussi la Vie dans l’Est, par mademoiselle Martineau. J’aime à me pénétrer de l’image de l’Orient et de la plus ancienne période de la civilisation humaine, comme contraste de l’Occident, — cette terre promise dont je m’approche avec mille questions dans l’âme. Mais les efforts évidents que fait mademoiselle Martineau dans son livre, pour imposer ses propres idées religieuses a la vie et à l’histoire de l’antiquité, me dérangent. Les premières manquent de profondeur, et, pour les appliquer à cette dernière, mademoiselle Martineau manque d’yeux, et la traite parfois avec une légèreté indigne de sa vocation et de son génie. Cependant plusieurs grandes et belles pensées traversent son livre comme un vent rafraîchissant, et je reconnais en elle ce noble esprit devant lequel je me suis souvent inclinée avec amour, et en dernier lieu pendant la lecture de sa Vie dans une chambre de malade.

Le soir.

La plus paisible journée que nous ayons eue encore sur mer ! Ce calme paraît bon après la tempête de la veille ; ce soir, des petits moineaux tourbillonnent autour de notre navire ; ils nous apportent les compliments de la terre ; ils me font penser aux oiseaux qui transmirent à Colomb le premier message du Nouveau-Monde. Quels sentiments il a dû éprouver alors ! Nous pourrons mettre demain, de bonne heure, le pied sur le sol américain, à… Halifax. Comme nous y retrouverons la vieille Angleterre, j’accueille cette nouvelle froidement. Je me suis promenée longtemps sur le pont. La mer et le ciel sont gris clair,