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LA VIE DE FAMILLE

talent oratoire. Il adapte la morale chrétienne aux questions politiques et sociales du temps et du pays avec un esprit vigoureux et dépouillé de crainte. Il a une tête de Socrate, de grandes mains bien faites ; toute sa personne, expression et gestes, me paraît d’une originalité réelle produite par une nature décidée et forte.

J’assisterai ce soir à une réunion socialiste si je ne parviens pas à avoir le bonheur de rester dans ma chambre et à jouir d’une soirée de repos. Si je le demandais à mes amis, je l’obtiendrais ; mais je me laisserai emporter par le courant tant que j’aurai la force de le suivre. Demain, nous irons tous chez Émerson ; il habite une petite ville appelée Concord, à une heure environ (par chemin de fer) de Boston ; demain ou après-demain, chez Lowell, à l’université de Cambridge (presque un mille suédois d’ici). J’y passerai quelques jours, durant lesquels je prendrai une décision relativement à mon séjour à Boston. Les diverses offres de gîte que j’ai reçues ne me tentent pas encore ; je ne veux pas me lier avant d’être sûre de me trouver véritablement bien. J’éprouverai beaucoup de peine à me séparer de M. et de madame Spring ; ils font partie de la meilleure de toutes les espèces de créatures humaines, et il est infiniment agréable de vivre avec eux.

Je t’écris d’une manière bien incomplète sur les choses et sur les hommes ; mais les unes et les autres ne me laissent pas le temps d’agir différemment. Nous en causerons plus en détail une autre fois. Je sens chaque jour davantage combien ce voyage d’Amérique était nécessaire à ma vie, à mon développement.

Mardi, 4 décembre.

J’arrive avec les Spring et Bergfalk de Concord, la plus