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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

juste guerre, aussi longtemps du moins que la paix ne jouirait pas sur la terre d’une vie noble et loyale. Mais comment se passent encore les choses pendant une longue période de paix dans les diverses contrées du monde ? Des milliers de nains lèvent la tête et combattent avec des épingles ou des pointes de plumes, piquant, égratignant de droite et de gauche, évoquant la petitesse d’esprit, l’égoïsme, l’amertume, les petites irritations, de misérables jouissances, des commérages, des mécontentements dans tous les coins. La société n’est-elle pas divisée par des milliers de petites querelles, de petites luttes ? Alors a lieu une guerre sérieuse, loyale ; on dirait le géant qui écrase les nains, et les hommes oublient leurs futiles querelles en faveur des grands intérêts généraux ; ils redeviennent frères. Après les géants viennent les dieux, et avec ceux-ci le renouvellement de la vie. Il faut que les hommes grandissent considérablement de cœur et d’intelligence, que la société se développe par son travail intérieur avant qu’ils puissent supporter une paix générale. Au nombre des questions qui me furent adressées était celle-ci : « Que pensez-vous en voyant tant de gens accourir pour vous voir ? — Je regrette de ne pas être jolie ! » répondis-je conformément à la vérité.

Notre hôte était d’une individualité agréable, franc, amical comme un vrai Américain ; et sa femme, délicate et jolie quakeresse, avait l’expression paisible et achevée qui distingue les femmes de cette secte et les rend particulièrement agréables. J’aime leurs manières calmes et le tu qu’elles adressent à tout le monde. Celle-ci, ayant perdu son unique enfant, avait adopté pour le remplacer un petit garçon qui l’aimait comme sa mère et paraissait ne pouvoir vivre qu’auprès d’elle.