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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

dit : « Adieu, nous nous retrouverons le matin. » Mais quand viendra ce matin ? Nous nous séparons maintenant pour longtemps. Il est vrai que partout où l’on rencontre un esprit comme celui de Channing on doit croire que c’est le matin.

Je me souviens avec un plaisir particulier d’une soirée donnée par mes hôtes. Il y avait assez d’espace, d’air, de fleurs, et beaucoup de personnes aimables. Une jeune et jolie personne du nom de Sedgewick déclama des vers avec beaucoup de pathos dans la voix, mais du reste infiniment de calme ; sa sœur et elle avaient des chrysanthèmes naturels dans les cheveux. Une délicieuse jeune fille joua sur le piano ses compositions, petillantes de vie. On dansa aussi. C’était une agréable et joviale vie de société, où chacun mettait du sien et semblait jouir de la vie et des autres.

Nous partîmes le lundi matin en nous dirigeant à travers le Connecticut. J’ai quitté New-York avec le sentiment qu’une foule de lettres et d’invitations restées sans réponse, d’écoles, d’institutions non visitées, courraient après moi pour me saisir. Ma conscience était mauvaise, je fuyais en vérité le champ de bataille. Impossible d’agir autrement, de suffire à répondre à tous les appels, toutes les invitations, lors même que j’aurais pu faire dix personnes de mon seul et unique individu. Mais je reviendrai à New-York ; je veux voir encore quelque chose de ce que cette ville renferme de bon et de mauvais, et, sous ce dernier rapport, le quartier appelé « Five-Points, » composé de cinq rues qui se traversent, et habité par la plus mauvaise et la plus dangereuse partie de sa population. J’ai demandé à Downing, en plaisantant, s’il voulait parcourir « Five-Points » avec moi. Il a répondu par un refus positif. Hélas ! le beau et le bon ne se trouvent pas là. Ce que je