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DANS LE NOUVEAU-MONDE.
LETTRE VI


Westborough, 2 décembre 1849.

Chère Agathe, je t’écris d’une petite ville voisine de Boston, en attendant les wagons qui, à cinq heures du soir, nous emmèneront, c’est-à-dire Marcus, Rebecca, le petit Eddy, moi et Bergfalk, que j’ai décidé cette fois encore à nous accompagner. Il ne faut pas qu’il s’enterre dans les livres, ici comme en Suède, mais qu’il sorte et voie un peu la vie et les hommes, et commence par célébrer la fête des Actions de grâces, — l’une des solennités véritablement nationales des Américains, — au cœur des États où elle a été fondée, et où elle jouit encore de toute sa vitalité. Quand viendra l’hiver, il pourra s’enfermer avec ses livres. Cependant Bergfalk n’a pas été difficile à persuader ; il nous a accompagnés volontiers et avec plaisir.

Je t’ai écrit la dernière fois de New-York, pendant la lutte que j’y soutenais. Elle m’a fatiguée, et je n’ai pas été mieux à Brooklyn. Du monde depuis le matin jusqu’au soir ; et, tout en trouvant dans ce nombre des individus aimables, j’aspirai souvent à pouvoir me coucher et dormir. Il faut cependant que je te parte des moments où l’intérêt présent chassait l’envie de dormir, la fatigue, et me tenait plus éveillée que jamais. Je dois placer en tête l’improvisation de Channing, dimanche soir. Complétement lui-même, son discours coulait comme un flot limpide, était logique, brillant, parfait de contenu et de débit. Ce fut pour moi une fête intellectuelle continue. Il opposa l’idée d’un Dieu personnifié, le Dieu des chrétiens, au panthéisme qui est partout et nulle part ; développa comme émanant