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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

dant eux aussi ne sont pas tristes à voir ; la charité infinie avec laquelle on les traite porte les plus beaux fruits. La méthode généralement suivie aux États-Unis pour le traitement des aliénés influe sur eux d’une manière si bienfaisante, que leur guérison c’est la règle, le cas contraire l’exception, si l’on a soin de les amener dès l’invasion de la maladie dans ces asiles admirables. Nous continuâmes ensuite notre course vers la campagne.

Pendant la route, notre hôtesse sautait de temps à autre fort lestement de la voiture, soit pour acheter une corbeille de gâteaux, soit autre chose pour son ménage, soit des bouquets qu’elle nous donnait, à mademoiselle Lynch et à moi. Enfin nous arrivâmes à sa jolie villa de Forest-Hill, près de l’Hudson, où nous trouvâmes réunis un grand cercle de famille et M. Laurence (digne vieillard et quaker aussi calme que sa femme est vive de corps et d’âme), qui nous attendaient pour dîner. Ce repas était friand et copieux, comme tous ceux auxquels j’ai assisté dans ce pays. Le soir, la réunion se composa d’une soixantaine de personnes environ. Elle fut plus agréable et moins fatigante que je ne m’y attendais ; mais, hélas ! que ces Américains et ces Américaines aiment à faire des questions ! Ma joyeuse hôtesse me ranima et m’amusa comme Amelie A…, cependant avec plus d’esprit : c’était une vie fraîche et sans art. Par exemple, elle chanta et très-bien ; mais il y eut un passage évidemment trop haut pour sa voix ; la seconde fois que madame Laurence y arriva, elle s’arrêta net au moment où ces notes allaient s’accrocher dans son gosier, se leva, quitta le piano avec aussi peu d’embarras que si elle eût chanté seule, alla causer et rire avec quelques personnes de la compagnie. C’est gentil et frais. M. Laurence me plaît beaucoup ; il est le second mari de sa