Page:Brassard - Péché d'orgueil, 1935.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 91 —

Qu’allait-elle devenir ? Assise sur son lit, elle se le demandait. Une seule solution s’imposait : la séparation. Se séparer de cet homme qui venait de se dresser trop grand devant elle.

La poussée d’orgueil fou qui lui avait fait commettre son péché se dissipait, mais sa nature altière demeurait. Elle, vivre près de cet homme, jamais !

— Jamais je ne le pourrai, se répétait-elle.

Mais une voix peureuse, douce comme le son des cordes d’une harpe frôlées par le doigt, lui dit : « Es-tu certaine ? »

Elle frissonna, car la voix, de petite, prit soudain de l’ampleur, et parla plus fort.

Pendant ce temps, Paul Bordier, assis sur une chaise droite du fumoir, les bras pendants, la tête vide, les yeux fixés sur le cadran de la cheminée, ne voyait qu’une chose : les deux aiguilles qui lentement marquaient la première heure de sa vie détruite.

Dix heures sonnèrent. Paul fit un mouvement. Il eut un soupir navrant et ses poings s’abattirent sur ses tempes.

— Pitié, Seigneur, ayez pitié.

Répétant entre haut et bas cette supplication angoissée, il se dirigea vers la chambre de sa femme. Comme il allait frapper, la porte s’ouvrit et Alix apparut.

Les deux jeunes gens s’immobilisèrent. Le luxueux intérieur où ils se trouvaient, avec ses coins d’ombre et de lumière bien balancés, leur semblait rien moins qu’un gouffre sans fond, sur le bord duquel, de chaque côté ils se tenaient.