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posa compatissante sur le front lisse. La fine moustache noire du fils de Gilberte, mit un arc de deuil à ce baiser de pardon.

Paul contempla encore un moment la superbe créature, si gracieuse dans sa pose allongée ; mais Alix fit un mouvement ; elle revenait à elle ; il se retira.

Lorsque Alix reprit ses sens, ses pensées au lieu d’être enténébrées, lui revinrent rapidement avec une précision très nette. C’est que la courte syncope, en suspendant pour un instant la vie exaltée de la jeune femme, lui avait fait reprendre son équilibre mental. Tout ce qu’elle venait de faire lui apparut en traits fulgurants. Comment avait-elle pu commettre une telle action ? Elle eut honte d’elle-même. Elle chercha désespérément un moyen de se disculper, et tout lui criait sa culpabilité. Elle se voila le visage de ses mains, mais par l’interstice de ses doigts, le rubis de sa bague, lui jeta une larme de sang sur la prunelle, et lui rappela son parjure. Elle sentit crouler son être affolé : en essayant de le soutenir par son armure d’orgueil, elle s’aperçut que cette dernière était bien fêlée. Et parce que moins prisonnière dans cette carapace de péché, son cœur se mit à battre plus librement, et combien plus rapidement. En circulant, pressé, ce sang orgueilleux se débarrassait, on eût dit, de ce qui lui avait fait commettre une faute.

Alix se sentit redevenir femme par ce qui se brisait en elle. De grosses larmes roulèrent sur ses joues. Larmes de repentir ? Larmes d’un cœur féminin, avec ses élans et ses retours, ses mystères et ses surprises, mais cœur si beau !