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Et devant sa compagne muette :

— Nos deux valses diffèrent en ce sens, que j’ai commencé la première en silence, et que c’est vous qui commencez la deuxième sans parler.

Paul Bordier sentait un besoin de faire souffrir celle dont la méchanceté venait d’ouvrir si sauvagement sa blessure. Lorsque adolescent, il avait reçu le coup terrible, il avait pleuré, gémi, supplié ; aujourd’hui qu’on le frappait au même endroit, il se dressait devant le destin, prêt à briser les armes dont il se servait.

Il poursuivit, mordant :

— Mademoiselle, j’ai à vous parler, et ce décor de fête va bien à ce que j’ai à vous dire. Vous avez envie de me souffleter, je le devine, mais vous n’oseriez devant vos gens. D’ailleurs, je vous tiens solidement.

— Goujat ! lança-t-elle hors d’elle-même.

— Oh, mieux que cela !

— J’en conviens.

— Et je tiens à vous éclairer complètement, sur ce que je suis. Étiez-vous bien persuadée tout à l’heure, que l’épithète que vous m’avez décochée me convenait ?

— J’en étais à peu près certaine ; votre attitude m’a singulièrement éclairée.

— Pour qu’il n’y ait plus de doute dans votre esprit, mademoiselle, sachez que ma naissance, comme celle de certains princes français, est irrégulière. Je m’en console un peu en songeant que vos ancêtres ont dû servir les Bourbons bâtards ; et de vous voir aujourd’hui après la succession des siècles, vous la descen-