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Paul ne vit pas la bouche railleuse, il dit d’une voix ardente :

— Je le comprends complet et sans retour, doux et indestructible. Et cet amour véritable ne frappe qu’une fois le cœur bien fait pour ce don sacré. Il s’en empare à jamais, et lorsque la vie quitte le corps, il se réfugie au sein de l’âme, et devient immortel.

— Oserais-je vous demander si le sentiment que vous éprouvez…

Il l’interrompit passionnément :

— Oui, mademoiselle, le sentiment que j’éprouve pour vous est celui-là, et en voulez-vous la preuve…

Avec un désir de blesser cruellement celui qui venait de lui imposer son amour, Alix de Busques riposta d’un ton tranchant :

— Me donner une preuve, vous ? Allez donc me chercher le livre où vous avez lu cette description de l’amour, car elle ne peut pas être de vous. Vous ne pouvez avoir ressenti ce qui n’appartient qu’au cœur bien né.

« Bien né ». Les mots transpercèrent Paul Bordier comme une flèche acérée, et ouvrirent net sa vieille blessure. Alix, la sœur de Gilles, savait donc son pénible secret et avec une dureté incompréhensible, venait de s’en servir.

Pourtant non. En lançant le mot outrageant, la jeune fille n’y attacha pas l’intention que Paul lui donna. Mais la terrible commotion empêcha l’architecte de scruter plus loin la pensée de sa compagne. Il reprit acerbe :