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racines des fleurs. Lorsque je suis allé te chercher, Paul, je savais ce que tu viens d’apprendre. À l’enfant sans nom, j’ai donné le mien ; au petit, sevré de tendresse, j’ai ouvert mon cœur. Des baisers de mère ont consolé tes premières peines. Elle savait, elle aussi, ma chère compagne, qui tu étais et elle ne t’a pas marchandé ses caresses, elle ne t’a pas disputé son nom de maman.

Des larmes coulaient toujours des yeux de Paul ; mais ses soupirs convulsifs diminuaient comme ceux d’un enfant épuisé par un chagrin au-dessus de ses forces. Les paroles de son père adoptif, tombaient sur sa blessure comme un baume magique et redonnaient de la vigueur à son corps endolori. Il se redressa presque courageux.

Eustache continua, persuasif :

— Tu es le fils véritable de ceux qui t’aiment à la folie. Porte et défends le nom qu’ils t’ont donné ! Les yeux du jeune homme brillèrent. Toute sa nature ardente vibra.

— Je serai digne de vous, digne de l’adorable mère qui m’a tendu les bras !

Sur le front du fils de Gilberte, le mari de Jeanne déposa un long baiser. Puis, joyeux d’apparence, mais le cœur saignant par l’épreuve de son enfant, Eustache parla à Paul sur un ton de confidence :

— Maintenant, mon petit, baigne tes yeux, remets ta toilette en ordre, fais disparaître au physique et au moral toutes traces de ton bouleversement. Vois, les lampes s’allument, ta mère va rentrer. Tout à l’heure, autour de la table de famille, nous mangerons