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connaîtras l’abandon, et, en plus, tu passeras pour un déchet de la rue. Hé, hé, Gilberte Mollin, tu m’as refusé tes soins, regarde, — ton Dieu doit te le permettre — quelle attention j’ai pour ton rejeton. Regarde, cria-t-il la bouche tordue, à la place de tes genoux et de ton sein pour se blottir, ton fils est étendu sur une pierre, il piaille de faim ! Mais il ne faut pas qu’il crève maintenant. Vois, j’appelle à son secours.

Et cynique il tira la cloche qui avertit les religieuses de l’arrivée d’un nouveau malheureux, et s’éloigna.

La petite sœur tourière préposée aux appels nocturnes du couvent, ne s’éveilla pas au coup de cloche de Bruteau. Ce fut la supérieure, digne et sainte femme, qui, n’entendant rien remuer, alla ouvrir la porte de la rue. Apercevant l’enfant, elle le prit dans ses bras et le bénit d’un signe de croix sur le front.

La sœur tourière, éveillée en sursaut par les pleurs du bébé, accourut dans le corridor. À la vue de la supérieure, elle s’excusa, confuse.

— Ce n’est rien, vous étiez fatiguée, ma fille. Allez, je vous prie, chercher des aliments pour ce petit. Et maternelle, berçant l’enfant abandonné dans ses bras, Sœur Véronique, la dévouée supérieure le calma, en attendant la pitance.

Pendant que le bébé buvait avidement le lait apporté, les deux religieuses l’examinaient.

— Voilà un enfant bien richement vêtu pour avoir été déposé ici, dit la sœur tourière.

— En effet, c’est étrange, répondit Sœur Véronique.