Page:Brassard - Péché d'orgueil, 1935.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 34 —

quelques jours je jetterai son enfant dans l’endroit que tu sais, où, en se mêlant à ceux qui l’habitent, il perdra son nom !

C’était le plan du vieux scélérat, et il ne devait pas tarder à l’exécuter.

Trois jours après l’enterrement de Gilberte, Joachim Bruteau signifia à Marie Barre, l’ordre de quitter sa maison, et d’y laisser le fils d’Étienne qu’elle voulait à tout prix emmener. Malgré les pleurs et les supplications de la pauvre femme, l’enfant dut rester à la ferme, et pour cause…

La garde du bébé fut confiée à la Mélanie Bêlon, mais pas pour longtemps car huit jours après le départ, de Marie Barre, Bruteau dit à Mélanie d’emmailloter le petit pour un voyage, ayant, prétendit-il, reçu instruction de placer l’enfant dans une famille de Montréal.

En habillant le bébé, la Mélanie se plut à lui mettre le plus beau linge qu’elle put trouver. On se mit en route, et, tard dans la nuit, on arriva à Montréal. Joachim laissa la Mélanie dans une auberge, et se dirigea seul avec l’enfant de Gilberte dans les bras, vers le couvent où des sœurs dévouées, reçoivent, chérissent et consolent de pauvres petits êtres abandonnés. Rendu près de la lourde porte de l’institution, Joachim déposa son fardeau sur le seuil. Ni la chaleur du petit qu’il sentait sur sa poitrine, ni ses cris plaintifs et affamés, n’émurent le cœur de cet homme.

— Hé, hé, patiente un peu mioche, on va venir te chercher. Ta vie ne sera pas celle qui t’attendait. On a voulu me laisser seul sur la terre, toi aussi tu