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Et le moment vint.

Un soir, Paul était assis dans la bibliothèque et revivait courageusement ses souvenirs. La journée avait été pluvieuse et froide, comme il arrive quelquefois au commencement de l’été, un feu léger achevait de brûler dans le foyer.

Absorbé dans sa méditation, l’architecte n’entendit pas entrer sa femme. Celle-ci s’arrêta sur le seuil, et regarda un moment la silhouette de son mari dont le contour s’éclairait par endroit aux lueurs du feu mourant.

— Bonsoir, Paul, dit-elle, si je vous dérange, vous et vos rêves, je me sauve.

— Retirez-vous si vous le désirez, mon amie, mais votre présence était déjà près de moi avant votre arrivée, elle demeurera.

— Alors, comme les présences imaginaires ne peuvent se défendre si elles sont attaquées, au cas d’une offensive je donne corps à celle qui vous tenait compagnie et j’entre sous votre tente, en attisant le feu du bivouac en passant, ajouta-t-elle en faisant rouler du bout de son pied une bûche à demi consumée, dans les cendres qui semblaient éteintes.

Le bois pétilla, puis une flamme claire illumina la cheminée.

— Voyez, dit-elle, le beau feu qui couvait sous les cendres. Il a suffi d’un simple geste pour le rallumer.

— Souvent le geste brûle celui qui l’accomplit.

Alix prit place sur le bras du fauteuil de son mari. Sa tâche lui apparut soudain difficile ; il fallait dire