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— Nous avons fait des compromis, et avons vécu en bonne intelligence.

— Jamais ! Je suis tout-puissant et entier, tu es faible et versatile, nous ne pouvons conduire de pair. J’inspire la foi, les actes sublimes et héroïques spontanés, toi, tu marchandes ; j’ouvre des horizons d’une magnificence insoupçonnée qui ravissent les yeux que je dessille, tu ne montres rien de neuf ; j’enseigne les plus belles choses du monde, tu es borné ; je réchauffe le cœur et lui verse l’ivresse qui l’empêche de vieillir, je donne l’élan à l’âme et je rends le corps léger, et ta froideur fait traîner la vie…

— Tu meurtris et tu désespères ! Tu fais agoniser et tu tues !

— Je donne un courage à vaincre le monde ; et toi, consoles-tu ?

Paul se courba davantage, et son front moite tomba lourdement sur le dur de la table. Un sanglot emplit sa bouche.

— Non, ma raison ne me consolera jamais… Et mon amour…

Son amour, il le sentait plus puissant que jamais ; son chant victorieux emplissait son âme.

Il se redressa, vibrant.

— Mon amour ! eh bien je le garde ! J’adore cette royauté qui me tyrannise… Je souffre de ce qu’elle m’impose, et je ne veux plus me passer de son joug… Je plains ceux qui n’en subissent pas le poids… Ils ne connaissent pas la joie de mes tourments… Je tremble de perdre celle que j’aime, et c’est précisément ce dont cette crainte est faite qui m’enivre. Je veux aimer toujours, et croire aux miracles de l’amour.