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La proposition la troubla à un tel point, que les mots lui manquèrent pour répondre.

Paul interpréta défavorablement son silence, il reprit plutôt froidement :

— Nous rentrons, n’est-ce pas ? Le bal est fini. Les masques sont tombés. La personnalité véritable de chacun réapparaît.

— Paul, je vous assure…

Elle ne put continuer. Béatrice et Gilles arrivèrent et se mirent à causer. Au même instant la veuve Lebrun s’approcha, onduleuse, vraiment ensorcelante dans son splendide costume. À chacun de ses mouvements, les écailles d’or jetaient des fléchettes de feu sur les écailles vertes. Elle rutilait.

— Ah, nous voilà au complet, s’écria-t-elle, enchantée de l’effet produit.

— Mes compliments madame, fit Gilles, votre travestissement est superbe. Voulez-vous une cigarette ? De votre séjour chez Neptune, les vôtres doivent être humides.

— Vous êtes gentil, merci. Et, ajouta-t-elle en aspirant la fumée de la cigarette acceptée, voyez donc comme chacun de nos costumes fait penser à quelque chose de poétique. La douairière habite un château ; la paysanne, les champs. Le charbonnier vit sous le gazon ; la sirène sous les eaux, et l’archer dans les bois. La prairie et la mer bordent, la forêt, je suppose, comme dans les contes de fées. Je me demande si ce sera le bruit de la faucille ou le chant de l’ondine qui charmera l’hôte des bosquets.