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C’est le souvenir de cette maison que Gilberte venait, d’évoquer, et par un enchaînement de pensées, elle revécut les années passées auprès de sa tante et de son oncle. De lui, aucune marque d’affection, mais sa tante, comme elle sut l’aimer ! Elle lui avait fait donner une bonne instruction et sa sollicitude maternelle ne s’était jamais démentie.

Hélas, deux ans après ses études terminées, la jeune fille eut la douleur de fermer les yeux à sa seconde mère.

— Trois ans que tu es morte, tante chérie, murmura Gilberte, quinze ans que je suis ici.

Prenant dans ses mains le portrait de madame Bruteau posé sur un guéridon, elle le porta à ses lèvres.

— Dors en paix maman, dit-elle, je n’oublierai pas tes recommandations. Pour les bontés que tu as eues pour moi, je veux être bonne pour oncle Joachim.

Avant de mourir, Louise confia son mari aux soins attentifs de Gilberte, mais en y faisant suivre la remarque suivante :

— Mon enfant, sois humainement dévouée pour ton oncle ; cependant, pour aucune considération, ne lui sacrifie ce que tu pourrais appeler ton bonheur sur la terre. J’entends par là le genre de vie où tu te sentirais appelée.

Depuis la mort de sa tante, Gilberte subissait courageusement les exigences allant jusqu’à la tyrannie de son oncle. La beauté parfois pathétique de la jeune fille n’émouvait pas l’égoïste, et si par occasion Joachim voyait des larmes dans les yeux veloutés de sa nièce, il rageait :