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ta vie. C’est ainsi qu’aime un Bordier. Tel est ton amour, tel fut le mien pour Gilberte. Et maintenant dis-moi un peu ta vie.

— Je fus choyé. Ma mère d’adoption fut une véritable maman, et mon père fut admirable toujours, et surtout à mon heure si crucifiante que vous savez. J’eus des succès dans mes études, mes camarades, mes amis ne me marchandèrent ni leur amitié, ni leur estime. Je vivais heureux. Et lorsque je connus Alix, je crus à la limite du bonheur. Oh, ma vieille blessure était bien guérie ! Hélas ce fut la catastrophe… On m’éclaboussa de la boue de mon origine et je compris que j’en resterais entaché, à jamais.

— Pauvre enfant !

— Vous concevez ma vie depuis ce jour. Je voyais la droiture et l’honneur en moi, et il me fallait convenir que j’étais issu du vice et de la honte. La révolte voulait me faire crier, mais je dus me taire pour ne pas affliger les êtres chéris auxquels je devais tant. Mais vous êtes venu, papa, et le cauchemar vient de fuir. Ah, quel délice ! quelle ivresse ! quelle délivrance ! J’éprouve la joie du papillon qui après avoir connu la marche rampante sur le sol aride, avant sa transformation, s’élève vers le ciel en fendant le soleil de ses ailes. Je devrais être complètement heureux, mais l’allégresse de mon âme ne parvient pas à éloigner l’angoisse de mon cœur. Cet amour merveilleux que j’éprouve pour vous, ne peut me consoler de celui malheureux que j’ai pour Alix.

— Aie confiance, aie foi. Une sainte étoile t’a protégé, elle te suivra encore.