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Elle se mit à songer à son passé, et aussitôt sa figure s’attrista à nouveau.

Gilberte se voyait sortant d’une autre maison, dont la porte s’était refermée lugubrement derrière elle. Dans l’espace de deux mois, la mort venait de la faire deux fois orpheline. Son père, Fernand Mollin tué dans un accident, à son travail ; sa mère, toujours languissante, suivant de près son mari dans la tombe.

Sentant sa fin prochaine, madame Mollin avait écrit à sa sœur, madame Louise Bruteau, pour la supplier de se charger de sa fillette.

Cette demande provoqua un débat entre madame Bruteau et son mari. Au premier mot d’adoption prononcé par sa femme, Joachim trancha la question :

— Nous n’avons pas eu d’enfants à nous, nous n’élèverons pas ceux des autres.

La bonne Louise était aussi une femme de tête. En plus d’un devoir à accomplir, l’excellente personne désirait la venue auprès d’elle, de cette petite nièce qu’elle aimait déjà. Elle revint à la charge.

— Mais, mon ami, cette petite fille sera la consolation de nos vieux jours, et si je pars la première, elle te restera…

Cette remarque frappa Joachim. Avec sa forte constitution, il était logique qu’il survivrait à son épouse. Alors, l’idée de laisser quelqu’un pour prendre soin de lui était bonne. Louise ferait la main à la petite, et les attentions auxquelles il tenait ne lui manqueraient jamais. La venue de cette enfant au logis sera donc une aubaine pour lui plus tard. Un rapide calcul lui montra les avantages qu’il pourrait retirer de l’or-