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ne m’avoir, au moins, laissé votre nom, il eût compensé votre abandon…

— Mon petit, que crois-tu donc !…

— La vérité ! Vous vous êtes inquiété de mon bonheur tout à l’heure… Sachez que je suis malheureux à en mourir… Par la femme que j’adore je fus traité de ce que je suis… un déchet du plaisir… Et pourquoi m’avez-vous retracé, vous ? Passe-temps d’homme blasé et fortuné, je suppose…

— Paul !

— Oh, je voudrais vous maudire, s’écria-t-il dans un sanglot, et voyez, je vous tends les bras… Je voudrais vous crier des injures et je vous supplie de me parler d’elle… ma mère… Si elle fut coupable…

Mais Paul ne finit pas sa phrase, une main forte lui ferma la bouche pendant qu’un bras puissant encerclait ses épaules, et la voix d’Étienne, vibrante, impérieuse, explicite, arrivait à ses oreilles :

— Paul mon enfant, tu n’es pas ce que tu crois… Ta mère était une sainte et notre union fut bénie dix mois avant ta naissance… Jamais berceau ne fut préparé avec autant d’amour… Gilberte Mollin, c’était ta mère, si vertueuse, si attirante dans l’épanouissement de sa jeunesse… Hélas, la belle fleur ne vécut pas… Le jeune rameau en naissant de la tige, l’a brisée : ta mère, Paul, mourut en te donnant le jour…

— Maman ! dit Paul, en joignant les mains.

— J’étais loin lors de ta naissance. Perdu dans les glaces polaires, je ne pus revenir à temps pour te défendre des mains d’un scélérat. Oh, cet homme, comme il a su me martyriser !