Page:Brassard - Péché d'orgueil, 1935.djvu/164

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 160 —

— Un jour, se dit-il, Alix fatiguée de son rôle, me quittera, elle ne peut s’étioler ici indéfiniment. Et alors, moi…

Il eut peur de ce qui l’attendait, et devant cette faiblesse, il ébaucha un geste impuissant.

— Oh, arracher cet amour inutile, insensé… Mais comment le pourrais-je, quand l’horrible catastrophe n’a pu l’ébranler.

Le souvenir de ce qu’il avait enduré à cette époque tragique de sa vie, vint peser lourdement sur son cœur. Il joignit les mains avec une force à les briser et des larmes vinrent s’écraser sur ses phalanges enlacées.

Paul resta un long moment absorbé par son chagrin. Le tic-tac de l’horloge, en divisant le temps par petites fractions, vint le tirer de sa prostration, et lui rappeler qu’il attendait quelqu’un. Il se redressa et se mit à marcher pour se calmer. Il y réussit. Toutes les traces de son émotion étaient disparues, lorsqu’un domestique annonça :

— Monsieur Étienne Bordier.

Paul vit entrer un homme exactement de sa grandeur, très pâle. Ému par l’aspect de cet étranger, l’architecte s’avança vivement vers lui la main tendue.

— Je suis particulièrement heureux de vous rencontrer, dit-il, votre nom seul, semblable à celui de mon père, me rend votre visite bien agréable.

Étienne Bordier serra la main offerte, et son étreinte virile impressionna profondément le mari d’Alix. Il ne pouvait détacher les yeux de celui qui disait maintenant la voix enrouée :