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— Étienne mon ami, que veux-tu dire ?… Explique-toi je t’en prie.

— Dieu dans sa clémence, empêche ses créatures de sombrer dans le désespoir, parfois. Son doigt divin relève le front que la douleur va faire éclater ; à l’œil qui veut se fermer, il montre une vision qui fait bondir vers la vie…

— Étienne !

Mais celui-ci, transfiguré, poursuivait :

— … À la noirceur du cauchemar étouffant, Il jette un rayon si doux, que la bouche s’éveille sur un sourire ; Il casse la chaîne dont les mailles retiennent le boulet aux chevilles, et le corps s’élance léger.

— Eustache, l’enfant que je croyais mort, ne l’était pas. Je l’ai appris il y a à peine quinze jours, mais on ne me dit pas où il se trouvait. La certitude de le savoir quelque part dans le monde, abandonné, vagabond, vicieux peut-être ; mon impossibilité à le secourir m’attachèrent ce boulet aux pieds et me plongèrent dans ce cauchemar désespéré. C’est alors que le Ciel mit sur ma route deux saintes femmes : l’une, tante Marie, qui alluma pour moi la lampe de l’Espérance et la maintint bien haut pour chasser les ténèbres qui m’entouraient ; l’autre, Sœur Véronique, dont la main charitable souleva sans effort mon horrible fardeau, brisa ma chaîne, releva mon front, fit disparaître le pli amer de ma bouche, et, dans un geste de bénédiction, me montra la vie où m’attendait mon fils, non vicieux et malheureux, mais vertueux et choyé. Ah, Dieu se sert d’agents admirables pour éclairer ici-bas ses voies mystérieuses. Eustache, le fils que tu adores est le mien.