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— Eh bien, brave compagnon, notre provision étant faite, il faut songer au retour.

Gilberte prit son panier bien fourni de légumes appétissants, et garni d’un magnifique bouquet de giroflées. Mais Pataud, qui regardait les préparatifs de départ de sa maîtresse, ne bougeait pas.

— Otez-vous de mon chemin, monsieur le caniche, dit-elle, en touchant la patte de devant de l’animal du bout de son soulier de toile.

Pataud, à la façon des chiens dressés présenta la patte, et dans cette pose savante, attendit.

— Tu ne veux pas partir, bonne bête ? tu as raison, respirons encore un peu ce bon air matinal.

Et Gilberte, ayant remis son panier à terre, d’un geste juvénile offrit ses bras au jour nouveau. Puis la tête renversée, les yeux mi-clos, elle aspira à pleine gorge l’air vivifiant que le soleil levant chargeait du parfum qu’il enlevait à la terre humide de rosée, et aux fleurs qu’il ouvrait pudiquement de la pointe de ses rayons lumineux.

— Oh ! qu’il fait bon vivre, pensa-t-elle en ouvrant bien larges ses mains comme pour recevoir tout ce que ce beau matin contenait.

Pataud, attentif, regardait non la nature éblouissante, mais celle qu’elle auréolait.

La silhouette de Gilberte se détachait séduisante sur le ciel clair, et évoquait presque Évangéline, la vaillante malheureuse ; mais le paysage n’avait pas la désolation de Grandpré, et le regard de celle qui l’animait n’était pas désespéré.