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CHAPITRE ix

Par un matin ensoleillé des premiers jours de décembre, soit environ cinq semaines après le mariage de Paul Bordier à Alix de Busques, Étienne Bordier arriva à la gare, où, plus de vingt ans plus tôt, en sautant, sur ce même quai, il s’était élancé joyeux vers celle, qui hélas, l’attendait les bras refroidis. Il ne prit pas la route de Chambly, cette fois. Courbé par les souvenirs poignants qui surgissaient à chaque pas, il se fit conduire au numéro de la maison qu’habitait toujours sa tante Marie, sur la rue St-Hubert.

Marie Barre, encore alerte malgré ses quatre-vingts ans bien comptés, vint ouvrir elle-même au coup de sonnette d’Étienne. En reconnaissant le mari de cette malheureuse Gilberte, elle eut un cri de joie et ses mains se joignirent en un geste d’action de grâce.

— Étienne ! Toi ! Je n’ose en croire mes yeux. Oh, viens que je t’embrasse !

Et la bouche fine et ridée se posa plusieurs fois sur les joues hâlées de son neveu. Puis sans lâcher les mains du voyageur, elle l’entraîna dans son salon vieillot et propret où elle le fit asseoir.

D’émotion, Étienne ne pouvait dire un mot. Les souvenirs qui l’avaient assailli dès son arrivée à la