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adolphe brassard

C’est un épais calepin à couverture de ciré noir, les feuilles mobiles, retenues par des anneaux nickelés, sont couvertes d’une écriture serrée, mais très lisible, avec des ratures et aussi des renvois bien annotés au bas des pages. Un graphologue en étudiant les jambages des lettres découvrirait chez celui qui les a tracées de la vigueur, de la sincérité, une confiance absolue en la droiture d’autrui. Puis, au fur et à mesure de sa lecture, il verrait poindre l’hésitation, le doute ; et le doute, après s’être atténué, revenir, grandir et s’implanter, se changer en certitude, en angoisse, en révolte. À l’écriture unie et ferme des premières pages succède une écriture inquiète, coupée de points interrogatifs. Et l’écriture se poursuit, toujours lisible, mais hachée, tourmentée. Elle s’arrête, tremblée, au milieu d’une page. Par endroits, le crayon nerveux a percé le papier. Il reste trois pages inemployées. La tranche du calepin est maculée de taches roussâtres.

— Eh ben ! vieux, quand on aura fini de les tortiller les pages, on la com-