Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.
17
les mémoires d’un soldat inconnu

— Oh ! ça ne sert à rien de chercher : la mort ça vous garde les secrets.

— Et mourir alors que la guerre est finie, c’est bête.

— L’armistice, heu ! Avant qu’on sût partout, les doigts continuaient de presser les détentes, et les pruneaux tombaient à gauche, à droite, un peu comme les derniers grains d’un orage de grêle, et ça trouait.

— Ah ! tais-toi, vieux, ça me fait mal dans l’cœur quand je pense que ces balles auraient pu rester dans les fusils. Ah ! les derniers coups qui ont tué inutilement ! Les pauvres bougres qui sont tombés et qui savaient que ça achevait, ce qu’ils ont dû essayer de le boucher le trou par où se sauvait la vie ! Voir la femme et les mioches tout proches, et, tout à coup, la culbute fatale ! Leur âme a dû ricocher par le hameau avant de se rendre à la barrière céleste. Ah !… Ah ! passe-moi ta gourde ; j’ai besoin d’une lampée. Ça se coupe avec de l’eau le rhum, mais j’ai un bol de larmes dans le gosier. Donne…

— Faut pas brailler, vieux ; des morts : mille de plus, cent de moins, est-