Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
adolphe brassard

— Ah !… Eh ben ! ça me fend l’âme de le voir étendu là, sans vie, le pauvre gars ! Sais-tu, moi, je le croyais invulnérable.

— Invulnérable ? Eh ben ! non, rappelle-toi la bataille du coteau : il en a eu son compte, cette fois-là.

— Oui, je m’souviens c’est là qu’il a ramassé son grain de beauté et le reste. Ça lui a valu des mois d’hôpital. Et, quand il est revenu, il était nerveux comme un pur sang et irritable comme un dogue.

— Pas tant que ça, mais il avait quelque chose…

— Le cafard ?

— Peut-être, mais mêlé d’autre chose. On aurait dit que ça dépendait de je ne sais quoi…

— Té ! de l’amour ! Beau gars comme il était, c’était assez pour se faire aimer. Seulement, les femmes c’est capricieux comme le courant. Il a dû se toquer mal à point et la déception, le chagrin… C’est peut-être aussi des mauvaises nouvelles de son pays qui le mettaient dans cet état. Et puis, quatre ans de tranchées, c’est assez pour détruire n’importe quel air faraud.