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adolphe brassard

vie avec ses joies et ses peines. J’ai fait des actions méritoires ; vos actions ; j’ai commis des erreurs, vos erreurs.

J’ai aimé le sommeil de la nuit et le réveil dans le matin clair tout léger de rosée. J’ai aimé le travail.

En semant dans les sillons, j’ai médité la prière du Seigneur : Notre père qui êtes aux cieux… J’ai ramassé les gerbes : Donnez-nous notre pain de chaque jour… J’ai salué la Vierge Marie quand sur les champs passaient les angélus des midis. En marchant dans le soir ; dos au soleil couchant, mon ombre me précédait sur le sol et franchissait avant moi le seuil où l’on m’attendait.

Et maintenant, le passant évoque pensivement un regard, un son de voix ; un nom, en touchant les parois polies qui m’enferment, et s’éloigne avec le soupir de celui qui n’a pas trouvé ; une mère s’agenouille et prie, le cœur et l’âme remplis de l’image du fils disparu dans la tourmente, mais le marbre reste froid ; pas plus que le vent qui souffle et la pluie qui tombe ; pas plus que les hommes ; il ne sait qui il recouvre.