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adolphe brassard

stimule et maintient le haut moral des troupes, et, comme il ne faut pas que le haut moral des troupes s’abaisse, il y a bar aux tranchées, dans les baraques, et les distilleries jubilent, pendant que nous devenons ivrognes.

Nous sommes foulés dans le compartiment, et tous ces hommes portent, plus ou moins visibles, les marques de vices que trace la vie salope des tranchées, et que finit d’encaver l’immoralité des baraques.

Des lupanars, les obus en font sauter jusque sur la ligne du feu. La guerre, avec ses horreurs et ses atrocités, est un terrible harnachement qui enserre le corps et le meurtrit de partout. C’est une torture physique continuelle, et l’homme tourmenté se réfugie au seul centre de son être invulnérable à la souffrance et où il sait qu’une jouissance passagère l’attend : ses pensées s’y concentrent et stimulent l’instinct de la bête qui dort en lui. Les troupiers, dans l’inactivité des tran-