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les mémoires d’un soldat inconnu

fais un bouquet que je donne à ma femme en l’embrassant. Et c’est le calme dans la salle aux larges fenêtres qui boivent la lumière. Je lis mon journal. On parle bien de guerre, mais le bel horizon que bornent les Laurentides est tout de paix et de tranquillité. Les laboureurs travaillent leurs champs, une eau de cristal coule des sources, les troupeaux broutent paisiblement, la brise passe sur la campagne et il y a des chansons dans les avoines. Le jour décline, et des maisons montent la fumée et l’odeur appétissante des repas que l’on prépare. Que les vieux peuples fatigués d’Europe vident seuls leurs chicanes surannées ! Nous n’avons pas à y voir. Le soir descend dans un son de cloche, et tout s’endort.

Et moi, je m’éveille gavé de la vision. Je reste immobile assuré que je n’ai pas rêvé, et que c’est le temps de me rendre au travail. J’ébauche le geste de me lever, mais je retombe sur mon oreiller, malheureux à crier, et je pleure mon