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adolphe brassard

m’a pris à la guerre. Ah ! bienfaisant, secourable sommeil, pourquoi ne me gardes-tu pas à jamais dans tes voiles ? Je rêve que j’ai fait un mauvais rêve tout plein de ténèbres, de roulements lugubres, de vagues noires traversées de langues de feu. Je voudrais donc que ce ne soit pas vrai, mais c’est tellement réel ! Et voilà que tout disparaît, et je sais que c’est un rêve. Un bonheur sans nom me prend. Ce n’était qu’un rêve ! Débarrassé de ce cauchemar, le rêve continue, infiniment consolant. Je n’ai jamais quitté mon pays. Je suis chez moi dans la vieille maison basse qui regarde le fleuve. Je reviens du travail et, sur le seuil, une jeune femme me sourit. C’est ma femme ; et ces deux enfants qui s’accrochent à mes jambes ce sont mes enfants. Je ris et je les fais sauter à tour de rôle au bout de mes bras. Il y a du soleil et des fleurs devant la vieille maison, des fleurs que je connais bien pour les avoir semées, cultivées, entretenues ; et je