Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.
121
les mémoires d’un soldat inconnu

Et il meurt ainsi, répliqué parfaite de polichinelle d’étalage. Un éboulis le recouvre. Nous nous regardons, mornes, désemparés. Les souffrances de Zip n’ont pas différé des souffrances connues, son sang était pareil à notre sang.

***

La guerre frappe, frappe, jusqu’à ce que plus rien d’humain n’existe en nous. Je me meus. Je pare les coups ; l’instinct de la conservation me fait agir. Je ne songe plus à châtier les profiteurs de tout acabit. On a dû damer sur ça. On est maté. Nous ne sommes plus des hommes mais des brutes qui n’attendent l’heure de la relève que pour se ruer aux endroits où l’on finit de se prostituer.

Oh ! je sais qu’il y a des corps d’élite dans les armées. Une âme saine se trouve nécessairement dans un corps sain, et ce sont des éléments vigoureux que l’on recherche chez les recrues. Mais, dès le début des hostilités, partout, la