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adolphe brassard

mant à soutenir. Pourtant, il ne me vient pas à l’idée de me mutiler moi-même comme j’en ai vu faire en se tirant dans un pied ou une main, ou de me détruire en me mettant à découvert devant une mitrailleuse. Un but me soutient : je veux survivre pour démasquer à la face du monde les négociants dénaturés, écumeurs de champs de bataille, dont le nom court dans nos tranchées. Tout leur sourit dans le moment. À peu près dans tous les pays, on a décrété la conscription. Incidemment, c’est la loi maintenant qui assurera leur gain en forçant par les armes les hommes à prendre les fusils. Ils le savent et jubilent. Ils peuvent rigoler, s’assoupir en paix, cuver leur gin, faire ripaille, et, les babines pendantes, s’écouter digérer, leurs doigts en saucisson croisés sur leur bédaine de pourceau !

La guerre connaît tous les raffinements de la cruauté. Plus que jamais, on met à contribution les gaz qui corrodent les viscères, brûlent les pou-