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CROQUIS DU VICE

causèrent longuement à voix basse, craignant interrompre le solo nasal du caporal. Lucien parlait de Clémence qu’il avait connue à Dieulafait, petit hameau de cinq maisonnettes échelonnées sur les bords de la rivière qui traverse le bois de la Coudraie.

Il conta sa première matinée d’amour, sur l’herbe presque humide, au pied d’un grand cèdre noyé dans l’ombre du bois, sous les feuilles pleines de frémissements pareils aux chuchotements des brises que prolongeait la douce plainte de leur haleine. Le lendemain, les femmes se mettaient aux fenêtres pour les montrer du doigt et les hommes leur tournaient le dos et disaient : « C’est-y-honteux ». Tout cela, parce qu’un gars les avait vus dans la clairière, derrière le bois, enlacés et s’embrassant à bouches goulues.

Depuis, Clémence fut continuellement en butte aux méchancetés des vieux qui l’appelaient : « salope ! » et aux tracasseries des jeunes qui en furent pour leurs frais d’esprit et de courbettes : deux mois durant, les