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CROQUIS DU VICE

blante, tous courbent la tête et point ne se regardent : misère coudoyant la misère dans la honte d’être vue.

Devant le café Julien, une vieille femme s’estampe dans l’ombre du kiosque ; sa robe s’effile et tombe en plaques de boue sur des chaussons lie de vin ; flasque et crasseuse sa poitrine soulève un caraco bleu, déchiré dans le dos et laissant voir la peau rocailleuse des coudes. Elle a la physionomie particulière aux clientes des bouges de la rue Galande et des Grandes-Carrières : la peau terreuse striée de rides profondes s’affalant en graisse luisante aux bajoues ; le nez petit, nerveux, coloré jusqu’aux cils roux rendant encore plus jaune le blanc des yeux, la prunelle presque effacée. Le reste de la tête disparaît dans un mouchoir exhalant l’âcreté du tabac humide.

Elle surveille sa fille à peine âgée de douze ans, assise sur un banc.

Bientôt du café Julien sortent trois jeunes gens. La fillette s’est levée. D’une voix lente, s’adressant au premier, elle dit :