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CROQUIS DU VICE

comme moi, ma cousine eut un père, excellent homme adoré de sa femme, et qui, tranquillement, sans rien dire, pour faire ce que firent les autres, mourut un dimanche à cinq heures de l’après-midi. Un instant, ma tante pensa le conserver dans le vinaigre. Elle revint sur cet aigre sentiment, eut une idée que je qualifie de géniale : elle fit argenter son mari… Huit jours plus tard, mon oncle lui revenait plus brillant que jamais. Qu’en faire ? Où le mettre ? Sur la pendule, la majesté de mon oncle écrasait le piédestal. Ma tante jugea sagement qu’un socle en bronze méritait l’honneur du défunt, et, dans l’attente, mon oncle fut posé sur la cheminée.

Défilaient parents et amis, extasiés devant la prestance de l’excellent homme, lorsque soudain, effarée, ma cousine, le bras tendu, le doigt indicateur, s’écria :

— Ah ! maman ! regarde donc ! qu’es-ce qu’ils ont mis à papa ?

Ma tante eut un mouvement, cependant qu’une rougeur subite la rajeunissait. Et ne