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LES OISEAUX DE PROIE

avait dû partir de là pour commencer sa carrière conjugale. Cette fois, mes prévisions se sont trouvées mieux fondées. Après avoir examiné les registres de Saint Olive, de Saint Sauveur, et de Saint George, après avoir dépensé en pourboires à des sacristains plus de shillings que je ne veux me le rappeler, je suis enfin tombé sur un document que je considère comme valant trois mille livres pour vous… pour moi… une somme très-respectable.

— Je voudrais savoir de quelle couleur seront nos cheveux quand nous toucherons cet argent, dit mélancoliquement Valentin. Ces sortes d’affaires prennent ordinairement le chemin de la Cour de Chancellerie, n’est-ce pas ? C’est une route sur laquelle le malheureux voyageur peut rencontrer la mort avant d’en voir la fin. Vous paraissez avoir grande confiance, et, puisqu’il en est ainsi, je ferais sans doute bien de vous imiter. Trois mille livres seraient pour moi un fameux point de départ dans la vie ; je pourrais devenir un honorable citoyen, payant des impositions ; mais j’ai une sorte de pressentiment que ma main ne cueillera jamais le laurier de la victoire, ou, pour parler plus clairement, que moi ou les miens, ne toucherons jamais rien des cent mille livres du vénérable ab intestat.

— Pourquoi ? Quel oiseau de mauvais augure vous êtes ce matin, s’exclama George, avec un mécontentement évident ; vous croassez comme un véritable corbeau. Vous arrivez à mon bureau juste au moment où je commence à compter sur un succès après dix années d’incessants travaux, dix années de déceptions continuelles, et vous venez me parler de la Cour de Chancellerie ! C’est un nouveau genre que vous vous donnez, Haukehurst, et à vous parler franchement, il ne me plaît pas du tout.