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LES OISEAUX DE PROIE

petit passage situé à gauche de l’établissement. Au lieu de se mettre à sa poursuite, Philippe entra directement dans le bureau.

Il était vide. Il n’y avait personne derrière le grillage percé de guichets étroits : un bruit de petits coups et de frottements qui se faisait entendre dans une autre pièce y révélait la présence d’un employé, mais dans le bureau même, Sheldon était seul.

Sur un papier buvard placé devant le guichet du milieu, l’agent de change aperçut un pâté d’encre encore humide ; il posa dessus l’extrémité de son doigt pour s’assurer du fait ; puis il se mit à examiner le papier buvard. C’était un homme qui hésitait rarement ; ses plus heureux coups à la Bourse avaient été promptement conçus et promptement exécutés. En ce moment, il prit le papier buvard, regarda avec une grande attention les syllabes à demi formées qui s’y trouvaient tracées. Il était aussi calme que s’il eût été assis dans son bureau, occupé à lire le journal. Un homme plus hésitant eût regardé à droite et à gauche, eût attendu, et eût manqué l’occasion. Philippe, qui avait coutume de ne pas compromettre ses chances par un excès de précautions, avait vu tout ce qu’il voulait voir sur le papier buvard avant que l’employé sortît de la pièce du fond.

« C’est bien ce que je pensais, » murmura-t-il, en reconnaissant les traces de l’écriture allongée de son frère.

Le message avait été écrit d’une main lourde, avec une mauvaise plume de fer, et avait laissé sur le papier buvard une empreinte assez accentuée. Par-ci, par-là, les mots ressortaient clairs et fortement marqués, en d’autres endroits ce n’étaient que des lettres indéchiffrables.

Sheldon, accoutumé à lire des choses illisibles, ne put déchiffrer le tout, mais en vit assez pour s’é-