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LES OISEAUX DE PROIE

une conception des plus dégradantes. C’était du moins l’avis de Valentin. Il était toujours assis au coin du feu, mais n’écoutait qu’à demi son compagnon ; mieux vaudrait à tout prendre ressembler à Mme Rebecca, esprit étroit et égoïste, abruti par ses aspirations perpétuelles vers un avenir supérieur à l’humanité.

Il se sentit soulagé en prenant enfin congé du capitaine. À peine était-il dans sa chambrette, qu’il s’endormit d’un profond sommeil, rêvant aux Haygarth et à Charlotte. Il se leva de bonne heure le jour suivant, mais lorsqu’il descendit au salon, il trouva son patron déjà installé devant un feu pétillant, occupé à parcourir les colonnes du Times. Sa montre d’or était sur la table préparée pour le déjeuner : l’eau qui bouillait faisait un petit bruit agréable dans une casserole où deux œufs frais attendaient.

« Vous n’aimez pas les œufs, je sais, Valentin, » dit le capitaine en retirant la casserole du feu.

Il avait entendu le jeune homme faire fi d’un œuf né en France et depuis trop longtemps séparé de son pays natal, mais il savait très-bien que Haukehurst ne dédaignait pas un œuf anglais, venu au monde du matin ; mais même en matière d’œufs le capitaine n’oubliait jamais ses intérêts.

« Voilà de ces saucisses que vous aimez tant, mon cher, ajouta-t-il gracieusement, en montrant des espèces de rouleaux grisâtres qu’on aurait pu prendre pour de petites cornes. Ne prenez pas la peine, je verserai le café moi-même. Il y a une manière de s’y prendre. La moitié des qualités du café dépendent de celui qui le verse. »

Le capitaine remplit lui-même sa large tasse avec une extrême sollicitude ; il fut moins scrupuleux pour la