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LES OISEAUX DE PROIE

Il s’arrêta un moment en jetant sur Haukehurst un regard railleur.

« Et comment avez-vous trouvé la tante ?… Probablement disposée à vous laisser une bonne petite somme, n’est-ce pas ?… Il n’y a que cette considération qui ait pu vous retenir aussi longtemps dans un trou tel que Dorking. En quel état avez-vous laissé les choses ?

— Je n’en sais rien, répondit Haukehurst un peu impatienté, car ses pires soupçons lui paraissaient fondés, je sais seulement que j’ai eu beaucoup d’ennuis.

— Ah ! assurément ! Les vieilles gens, surtout ceux qui n’ont pas été habitués au monde, sont généralement fort ennuyeux, il n’y a que les gens du monde qui puissent rester toujours jeunes. Le bavardage sentimental qui consiste à vanter la fraîcheur et la pureté d’un esprit naïf n’a pas l’ombre de sens commun. Oui, je n’en doute pas, votre vieille tante de Dorking a dû vous ennuyer énormément. Ôtez votre pardessus et mettez-le dans la chambre à côté, puis sonnez pour qu’on nous monte de l’eau chaude. Voici de l’excellent cognac… voulez-vous un cigare ? »

Le capitaine lui tendit en souriant un magnifique porte-cigare en cuir de Russie. Paget était un homme capable de descendre aussi bas que possible dans les profondeurs de l’Océan social et de réapparaître brusquement au moment où tous ceux qui le croyaient disparu s’imaginaient qu’il jouissait de toutes les aises de la vie. Jamais Valentin n’avait trouvé son patron mieux disposé qu’il le paraissait ce soir-là, et jamais il ne s’était senti plus porté à se défier de lui.

« Et, qu’avez-vous fait de votre côté pendant mon absence ? demanda à son tour le jeune homme. Avez-vous mis quelque affaire en train ?