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LES OISEAUX DE PROIE

Elle serait là ! Elle l’accueillerait avec son doux sourire, cet angélique sourire qui était le sien !

C’est avec de telles pensées qu’il s’était réconforté pendant le voyage. Mais une fois arrivé, comme il se dirigeait à pied vers Chelsea, sous une pluie battante, ses brillantes visions commencèrent à s’obscurcir. N’était-il pas plus que probable que Charlotte aurait quitté Londres pendant cette triste saison ? N’était-il pas également à présumer que Sheldon lui ferait mauvais accueil ?

En songeant à ces attristantes éventualités, Haukehurst entreprit de chasser de son esprit l’image de Charlotte et de tourner ses idées vers des considérations d’un ordre plus pratique.

« Je suis curieux de savoir si ce faquin de Paget est de retour, pensa-t-il. Que lui dirais-je, s’il est revenu ? Si j’avoue l’avoir vu à Ullerton, je lui fournirai l’occasion de me questionner sur les affaires qui ont pu m’y conduire. Ce que j’ai de mieux à faire est peut-être de ne rien dire et d’attendre qu’il s’explique lui-même. Je suis très-convaincu qu’il m’a reconnu sur la plate-forme. »

Paget était chez lui lorsque son protégé y arriva : il était assis devant son feu : enveloppé d’une très-respectable robe de chambre, chaussé de pantoufles, avec un journal du soir sur les genoux, une svelte bouteille d’eau-de-vie près de son coude, un cigare pâle et sec aux dents.

Le capitaine reçut très-gracieusement son ami. Comme Valentin était trempé, il lui dit seulement du ton d’un Brummel :

« Pourquoi diable, mon cher, portez-vous des pardessus si mouillés ?… Puis, nous voilà donc enfin de retour de Dorking ? »