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LES OISEAUX DE PROIE

« Mes soupçons se portèrent instinctivement sur Paget. Cependant, n’était-il pas plus présumable que Théodore Judson senior et Théodore Judson junior étaient impliqués dans cette affaire, que c’étaient eux qui surveillaient et contrariaient mes plans ? Les Théodore Judson avaient-ils quelque connaissance d’un mariage secret de Matthieu et soupçonnaient-ils l’existence d’un héritier dans la descendance de ceux qui étaient issus de ce mariage ? Je m’adressais ces questions ; mais je les trouvais infiniment plus faciles à poser qu’à résoudre.

« Après avoir ainsi réfléchi, je pris le parti de me rendre chez Mlle Judson. Je lui affirmai sur ma foi de gentleman que le paquet avait été remis par moi-même au garçon de l’hôtel, la veille, à onze heures du matin, et je demandai à voir l’enveloppe. C’était bien la mienne, une large enveloppe bleue de bureau avec l’adresse écrite de ma propre main. Mais, par ce temps d’enveloppes gommées, rien n’est plus facile que d’ouvrir une lettre. J’enregistrai mentalement en moi-même le vœu de ne plus jamais confier un document de quelque valeur à la sauvegarde d’un morceau de papier gommé. Je comptai les lettres pour me convaincre par moi-même qu’il en manquait une, puis je tâchai de découvrir laquelle manquait. J’échouai complètement. Pour faciliter mon travail dans la copie des extraits, j’avais, avant de le commencer, mis des numéros sur les lettres dont j’avais l’intention de transcrire des passages. Mes numéros, au crayon, dans leur ordre, étaient parfaitement visibles au coin de la suscription de chacune des lettres dont je m’étais servi. Je les retrouvai tous intacts et je pus ainsi m’assurer que je n’avais pris aucun extrait de celle qui manquait.