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LES OISEAUX DE PROIE

« 12 Avril 1743… — Certainement, ma chère sœur, vous ne pouvez pas me croire assez vil et assez immoral pour vouloir abuser d’une pauvre jeune fille qui se fie à moi, comme à un galant homme ; ce que je veux m’efforcer d’être pour l’amour d’elle. J’aurais mauvaise opinion de vous si vous me jugiez capable d’une pareille infamie. Vous me dites que Mlle Rébecca Caulfields possède plus que jamais l’estime de mon père ; mais, Ruth, je suis obligé de vous dire que cette estime ne peut être la règle de mes actions, car je considérerais comme la pire des tyrannies celle qu’un père prétendrait exercer sur les sentiments de ses enfants. Dans ma pensée, se serait même comme une sorte de barbarie qui porterait la jeunesse à se révolter contre les privilèges de l’âge. Je ne doute nullement que Mlle Rebecca ne soit une personne très-recommandable, bien qu’elle se soit laissée endoctriner par cette nouvelle secte de Méthodistes ou, comme quelques-uns disent, de charlatans, fondée récemment par un jeune écervelé, nommé Wesley, et un autre encore plus fou, nommé Witfelde. Je suis bien certain qu’il ne manque pas d’hommes à Ullerton qui seraient fort aises d’obtenir la main et la fortune de Mlle Rebecca ; mais sa fortune fût-elle dix fois plus considérable, je ne saurais unir ma vie à celle d’une personne pour laquelle je n’éprouve aucune affection. Maintenant, ma chère sœur, ayant répondu à toutes vos questions autant qu’il m’est possible de le faire par lettre, il ne me reste qu’à vous demander de me donner souvent de vos nouvelles et de croire que vous n’avez pas de plus affectionné serviteur que votre frère,

« Matthieu Haygarth. »