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LES OISEAUX DE PROIE

nous ne sommes que des voyageurs et des passagers sur cette terre, mais il n’en est pas moins douloureux de penser quelles traces légères nous y laisserons.

« Les serins parurent comprendre Mlle Judson ; un gazouillement d’assentiment retentit, et j’en pris congé avec un petit sentiment de compassion. Oui, moi vagabond, moi Robert-Macaire jeune, j’avais pitié des serins qui étaient en cage et de la vieille dame solitaire qui commençait à sentir la mort qui venait, et qui se rendait compte de la médiocrité de son existence.

« 11 octobre ; — Je porte aujourd’hui la peine de ma témérité à affronter l’atmosphère humide du parloir de Mlle Judson : je suis terriblement grippé. J’ai donné ordre de faire du feu dans ma chambre ; cette douceur que je m’accorde n’est guère en rapport avec la rémunération que je reçois de Sheldon. Cela n’empêche pas que je sois assis devant mon feu, méditant sur la vie de Matthieu Haygarth.

« Sur la table, à côté de moi, plus de cent lettres sont éparpillées, toutes de l’écriture hardie de Matthieu ; mais, même à présent, malgré tout ce que j’ai pu lire, l’histoire de cet homme est loin d’être claire pour moi. Ses lettres sont pleines d’allusions et d’indications, mais il y en a bien peu de compréhensibles. Ce sont des énigmes dans lesquelles la plupart des noms sont déguisés. Il n’y a que des initiales.

« Il y a dans ces lettres beaucoup de choses qui ont rapport à l’époque de la vie secrète de Matthieu. Elles sont adressées à la seule personne de sa famille dans laquelle il eût pleine confiance. Ce fait transpire plus d’une fois, comme on le verra dans les extraits que je vais en