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LES OISEAUX DE PROIE

temps à autre. Cela me sembla long, je dois l’avouer.

« En récompense de ma force d’âme, j’obtins de Mlle Judson la promesse de m’envoyer toutes les lettres et papiers qu’elle pourrait trouver sur l’histoire personnelle de Matthieu Haygarth.

« — Je sais que j’ai un gros paquet de lettres, écrites par Matthieu lui-même, parmi les papiers de ma grand’mère, dit Mlle Judson. J’étais la préférée de ma grand’mère, et j’avais l’habitude de passer avec elle une partie de mes journées. Quand elle mourut, je portais encore une robe courte ; mais, dans mon temps, les jeunes filles portaient des robes courtes beaucoup plus tard qu’à présent. J’avais quatorze ans. Je l’ai bien souvent entendue parler de son frère Matthieu, qui est mort quelques années avant ma naissance. Elle l’aimait beaucoup et il avait de l’affection pour elle. Elle m’a souvent aussi raconté combien il était beau dans sa jeunesse et quelle belle tournure il avait dans son costume de cheval chocolat brodé d’or, un jour qu’il était venu à Ullerton pour la voir en secret, n’étant pas en bons termes avec son père.

« Je demandai à Mlle Judson si elle avait jamais lu les lettres de Matthieu Haygarth.

« — Non, dit-elle, je les regarde quelquefois lorsque je mets de l’ordre dans le tiroir où je les conserve. Il m’est parfois arrivé d’en lire quelques mots, mais rien de plus. Je les garde par respect pour le mort ; mais je crois que cela me ferait du mal de les lire. Les pensées et les sentiments exprimés dans de vieilles lettres semblent si récents qu’ils nous poussent à faire un retour sur nous-mêmes et à nous affliger en voyant que ces lettres fanées sont tout ce qui reste de celui qui les a écrites. Il est très-bien de se rappeler que