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LES OISEAUX DE PROIE

« — Je regrette de ne pas être libre de vous expliquer la nature de mon affaire, dis-je d’un ton tout à la fois insinuant et confidentiel ; mais je pense pouvoir prendre sur moi, sans manquer à la confiance de celui qui m’emploie, de vous assurer que, quelle que soit la personne à laquelle reviendra l’argent du Révérend John Haygarth, ni M. Judson, l’avocat, ni son fils, ne mettront le doigt sur un sou.

« — Je ne suis pas fâché d’entendre cela, répondit Judson enchanté, non que j’en veuille le moins du monde au jeune homme, comprenez-le bien ; mais parce qu’il est complètement indigne d’une pareille bonne fortune. Un jeune homme qui passe à côté de ses parents dans les rues de sa ville natale sans avoir la simple courtoisie due à l’âge et à la respectabilité, un jeune homme qui se moque d’une fortune acquise dans un honnête commerce, un jeune homme qui appelle ses cousins sauteurs de comptoir et ses tante et oncle momies, un tel jeune homme n’est pas digne de devenir riche, et je vous dirai franchement que j’aimerais mieux voir n’importe qui hériter de cette fortune, plutôt que Théodore. Croiriez-vous, mon cher monsieur, qu’on l’a vu dans cette même rue se promener en tandem. Je voudrais bien savoir quel nombre de chevaux il mettrait à son tilbury ou quelles avanies il ne ferait pas à ses parents s’il avait à sa disposition cent mille livres.

« Pour la seconde fois Judson s’était indigné. La conversation fut interrompue pendant quelques minutes. Il se remit un peu.

« — Je vais vous dire ce que je ferai pour vous, mons… monsieur Haukesell, dit-il, mêlant ensemble mon nom et celui de Sheldon, je vais vous donner un mot d’introduction pour ma sœur. S’il est quelqu’un qui puisse