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LES OISEAUX DE PROIE

liam Judson est de la religion dissidente, et il vit beaucoup en lui-même. Les autres Judson sont trop fiers pour lui. Cependant, je ne vois pas ce qu’il y a de compromettant à prendre un ou deux grogs avec des amis, ajouta mon hôte d’un air rêveur.

« Ce fut chez William Judson, le dissident, le solitaire, que je résolus de me présenter d’abord. Comme dissident, il aurait probablement plus de respect que tout autre pour la mémoire du non-conformiste Haygarth et aurait conservé les traditions qui se rapportaient à lui avec plus de soin que les autres membres anglicans et frivoles de la famille Judson ; de plus, vivant surtout avec lui-même, il serait moins bavard.

« Je ne perdis pas de temps pour me présenter à la maison de commerce, et, après avoir remis au domestique la carte de George, en m’annonçant comme venant pour une affaire qui concernait la famille Haygarth, je fus immédiatement introduit dans un comptoir très-propre.

« J’y vis un petit vieillard, très-vivant, très-actif, vêtu d’un habit de drap fin avec une cravate de batiste et un jabot blanc comme neige. Il me reçut avec une politesse un peu surannée. Je fus enchanté de voir qu’il avait au moins soixante-quinze ans ; je l’aurais été plus encore si je l’avais trouvé plus vieux.

« Je m’aperçus très-vite que M. Judson, le drapier, était un personnage tout autre que le Révérend Jonas. Il me questionna avec beaucoup d’attention sur les motifs qui me poussaient à vouloir être renseigné sur le défunt Haygarth. J’éprouvai quelque répugnance à faire de la diplomatie avec lui comme avec Goodge. Tromper le malin Jonas était un triomphe, mais tromper le confiant drapier était chose presque honteuse.