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LES OISEAUX DE PROIE

pas chez le marchand de tabac, et je dus me replier sur mon hôtel après avoir perdu ma journée. Cependant je ne pense pas que George ait à se plaindre de moi ; car j’ai rudement travaillé pour vingt-cinq shillings par semaine et je me suis voué à cette affaire avec une somme d’enthousiasme dont je ne me serais jamais cru capable, excepté pour…

« Je suis allé à la messe dimanche matin, et je me suis plus pieusement incliné que je n’ai coutume ; car, bien qu’un homme vivant des ressources de son esprit ne soit pas fatalement un païen ou un athée, il lui est fort difficile d’être tout à fait bon chrétien ; même ma piété d’hier n’a pas été très-édifiante, car pendant le sermon, mes pensées vagabondaient à qui mieux mieux du côté de Charlotte.

« Dans l’après-midi, j’ai lu les journaux et j’ai sommeillé au coin de la cheminée de la salle à manger, pensant toujours à Charlotte. Le soir, tard, j’ai été me promener dans les rues, songeant quel pauvre être abandonné j’étais !

« Allons ! voilà que je me plains encore !

« Cette après-midi, nouvelle lettre de Sheldon : elle m’ouvre un nouveau champ d’exploration dans le territoire souterrain du passé. Cet homme a une merveilleuse aptitude pour ce genre de travail ; il a, ce qui est plus encore que de l’aptitude, une expérience acquise par dix années d’insuccès. Un pareil homme doit réussir tôt ou tard. Sera-ce pendant que je suis son allié ? Je suis disposé à en douter. Je me regarde comme un être dépourvu de chance qui porte malheur aux autres comme à lui-même. C’est une folle superstition peut-être que de s’imaginer que l’on est particulièrement voué à une mauvaise destinée. Cependant les Eumé-